Témoignage de Marion
« Aujourd’hui, je souhaite vous parler de la maladie mentale de ma Maman, la schizophrénie.
Au commencement, elle entendait des voix, cela a débuté entre 2015 & 2016, j’avais 19 ans, ma soeur 14. Elle disait que des gens que nous connaissions parlaient mal d’elle depuis le troisième étage, fenêtres fermées. Cette fois ci, nous l’avons cru et on a déménagé pour qu’elle se sente mieux. On pensait que ça allait suffire.
Je pense que c’est à ce moment-là que nous avons vu que quelque chose n’allait vraiment pas. Puis c’est monté crescendo. Dans la maison où nous vivions ensuite, elle les entendait encore. Elle voyait des personnes qui n’existaient pas, envoyait des messages incohérents, mélangeant des noms que parfois nous connaissions, d’autre fois qui nous étaient étrangers. Un sentiment de persécution omniprésent et toujours ces voix à longueur de journée.
En 24h, il lui arrive d’avoir des phases de lucidité qui ne durent pas plus de deux minutes. Mais en deux minutes on ne peut pas lui faire admettre qu’il y a un souci. Elle crie, parle seule (en réponse aux voix qu’elle entend).
Alors il y a eu un premier internement en hôpital psychiatrique. À ce moment-là, les médecins posent comme diagnostic : trouble de l’humeur & fatigue nerveuse. Il faut savoir que dans cette maladie, il y a une certaine forme d’intelligence. Ma maman arrive à jouer un personnage quand elle est face à des personnes en costumes. De cet hôpital, elle s’enfuira quelques heures, avant d’être retrouvée en pleine forêt. Notez bien cela, en forêt, parce que sortir et marcher la canalise un peu, depuis toujours & d’elle-même, elle sait que cet environnement l’apaise. C’est pourquoi elle s’y est évadée lors de ce séjour à l’hôpital.
Suite à cet épisode, elle a pu ressortir & a entamé une formation adulte dans le secteur du service a la personne car elle avait besoin de faire quelque chose, se rendre utile. Cette dernière lui a permis de se canaliser et d’aller mieux un temps, puis les crises ont repris de plus belle…Elle se réveillait en pleine nuit pour nous dire de partir car quelqu’un allait nous tuer. Elle ne dormait plus depuis des mois, elle n’allait même plus se coucher la nuit.
Les encadrants de la formation qu’elle suivait, avaient vu qu’elle n’allait pas bien et ont envoyé les pompiers un jour où nous n’étions pas là. Il a fallu un carreau de cassé par les pompiers pour qu’elle disparaisse en pleine nuit. 2 jours, 3 jours…. 3 semaines ! Nous avons bien évidemment prévenu la gendarmerie, mais s’agissant d’une adulte, les moyens déployés étaient minimes. Nous l’avons retrouvé à Marseille, sur le vieux port. Nous habitions en Franche-Comté… Comment l’avons-nous retrouvé ? Grâce à un appel qu’elle a envoyé depuis le téléphone d’un passant « je suis au vieux port tu peux venir me chercher? », comme si de rien n’était, comme si je n’avais que la rue à traverser pour aller la rechercher.
La gendarmerie a rappelé le numéro, le monsieur l’avait trouvé désorientée. Puis le SAMU marseillais a appelé. Son corps n’en pouvait plus, 3 semaines à la rue sans rien à des centaines de kilomètres de la maison.
Quelques semaines plus tard, 2eme internement, c’est là que le diagnostic tombe : maman souffre de schizophrénie. Mais c’est à nouveau la même rengaine, elle ressort au bout de quelques semaines. Dans l’incompréhension, j’appelle son psychiatre qui me dit : « je sais, elle est sortie au moment où il ne fallait pas, mais nous ne pouvons pas interner un adulte de force »…
Et maintenant ? Elle fait toujours autant de crise…C’est à dire qu’elle parle toujours seule, qu’elle peut avoir des excès de colère, devenir violente. Parfois, elle ne me reconnaît même plus, moi, sa propre fille. Je me souviens de Noël dernier où après être partie, elle a demandé à mon père qui j’étais. Dans son regard j’avais pourtant déjà compris que j’étais une inconnue.
Alors oui, elle devrait être suivie mais n’y va pas. Oui elle devrait être sous traitements mais ne les prend pas. Il y a un stade de la maladie où le patient ne reconnait pas être malade, car il est prisonnier de sa réalité. Nous nous méfions quand elle part sans prévenir. Il est difficile d’être en société avec elle car elle peut agresser les autres sans prévenir. Et devoir expliquer aux autres qu’il ne faut pas lui en vouloir car elle est malade, c’est épuisant…
Il est difficile de voir sa maman devenir une autre personne, prisonnière de sa réalité. Avant elle était joyeuse, créative, douce avec tout le monde. C’est douloureux. D’un côté ça me pousse à essayer de l’aider et de l’autre me rappeler de me protéger. J’essaie encore de trouver le juste milieu entre être présente mais pas trop pour ne pas en souffrir… »
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