Chers Horcazien.nes, nous nous retrouvons avec un témoignage anonyme au sujet de parents toxiques. À l’heure actuelle, nous parlons beaucoup de partenaire de vie étant dans ce schéma dit de « pervers narcissique ». Cependant, la question de la toxicité chez les parents est moins abordée mais n’est pourtant pas des moindre. Quand les personnes qui vous servent de modèle, de pilier pour grandir, de soutien dans votre évolution, sont en réalité celles qui vous font le plus de mal, comment se reconstruire ? Nous remercions grandement cette personne d’avoir eu le courage de nous parler de son histoire avec son coeur, sans filtre, avec honnêteté et beaucoup de force. Merci à vous, en retour de lire ceci sans jugement et avec l’esprit ouvert, comme d’habitude : bienveillance, écoute, partage.



LE TÉMOIGNAGE
« Pour être honnête je ne sais pas par où commencer ce témoignage. Cela fait des mois que l’on en parle, des jours que je pense à l’ordre dans lequel raconter les évènements, la manière de formuler des phrases… Il faut dire que c’est difficile, de tout raconter dans un seul article, quand on vit avec la toxicité de ses parents depuis plus de 20 ans. J’ai toujours cette peur d’oublier quelque chose, de ne pas assez parler d’un détail pourtant important, et toujours peur du jugement. C’est une facette de ma personnalité qui découle directement de cette éducation toxique, ou plutôt de cette non-éducation que j’ai reçue de mes parents, et de ma mère en particulier.
Parler de personnalités toxiques, c’est très large. Bien sûr cela englobe les violences physiques et sexuelles, mais aussi celles dont on parle moins, les violences morales, verbales, la manipulation psychologique, le chantage émotionnel. Si j’utilise un terme large comme « toxique », c’est que je ne suis ni médecin, ni psychologue, et que je n’en ai pas vu pour leur raconter tout ça et leur demander ce que c’est exactement. Mais pour moi la toxicité le définit bien : il s’agit de personnes ayant des comportements, attitudes et paroles déviantes. Avoir des parents qui se moquent de toi toute ta vie, te rabaissent et te présentent comme la pire personne au monde, forcément cela affecte la manière à laquelle on se développe en tant qu’humain.
Si on prend les événements par ordre chronologique, je pourrais parler du plus ancien de mes souvenirs. Alors qu’on dépeint souvent l’enfance comme l’âge de l’insouciance, de la joie, un âge sans problème, mon tout premier souvenir est d’avoir été en pleurs, dans le couloir de notre immeuble, mise à la porte par ma mère. Je devais avoir 3-4 ans, parce que nous avons aménagé en maison lorsque j’avais 5 ans. Je n’ai pas de souvenir de l’appartement, seulement de la porte verte, dans la cage d’escaliers. Je ne me souviens pas de ma mère ouvrant la porte pour me laisser entrer, juste de mes pleurs qui résonnent dans le couloir, jusqu’à ce que la voisine sorte et me demande ce qu’il se passe. Je ne me souviens plus de ce que j’ai bien pu faire pour être mise à la porte à cet âge là, mais je me souviens de la solitude et du sentiment d’abandon; et j’imagine qu’à cet âge, aucune bêtise ne justifie la violence de cette porte fermée sur moi.
Si j’ai déjà beaucoup écrit déjà juste pour un événement parmi des milliers d’autres, c’est pourtant la première fois que je le mets par écrit. J’ai mis des années à réussir à parler de ce que j’avais vécu, à mettre des mots dessus, et j’ai encore beaucoup de difficulté à le faire.
J’ai passé ces dernières années à éplucher des articles par dizaines pour essayer de comprendre pourquoi mes parents me haïssaient autant, pourquoi ils étaient plus violents avec moi qu’avec mes frères et sœurs, pourquoi moi, tout simplement. On peut imaginer que c’est plus simple avec un peu de recul, mais en fait non. Chaque article que je lis, même s’il m’aide a comprendre, à identifier chaque événement au symptôme de telle ou telle maladie mentale ou trouble dont souffrirait ma mère, il m’oblige aussi à me replonger dans des souvenirs et des émotions que je préférerais oublier. Le souci, c’est que sans chercher à comprendre, sans lire ces articles, je reste tout aussi tourmentée par mes souvenirs, et cela en quasi-permanence.
Cela peut être à un rendez-vous chez le médecin, pour mon asthme, où on me dira « mais vous avez été très souvent malade enfant ! » Apparement, j’ai le carnet de santé d’une enfant atteinte de maladie grave, ce qui n’a pas été mon cas. Non, j’ai été l’enfant maltraitée, dont les pleurs étaient calmés par des douches gelées. J’enchaînais angine sur angine.
Cela peut être quand le soleil brille si fort que je vois encore le contour de la tâche de colle extra forte qu’elle a jetée dans mon œil, et que je me souviens comme elle a nié l’avoir fait après m’’avoir dit que « non, il n’y a rien, c’est rien ».
Cela peut être au quotidien, quand j’ai le malheur de parler de parents toxiques ou de dire que j’ai définitivement coupé les ponts avec toute ma famille. « On n’a qu’une mère ! », « Moi c’est des années plus tard, quand elle est morte, que j’ai compris que ma mère avait raison »… Des phrases assassines, quand on y pense. Il y a beaucoup de paroles qui se délient ces derniers temps, mais même si je n’ai été victime ni de viol, ni tabassée au sang, ce genre de réponses rendent le témoignage difficile. Ils décrédibilisent ce que j’ai vécu, comme si je ne m’étais pas assez souvent demandé si ce n’était pas moi, au final, qui avais un problème.
Le moment où cela a été le plus difficile, c’est à l’adolescence, en particulier quand j’étais au collège. Comme si ce que j’entendais à la maison ne suffisait pas « Tu es moche », « Tu es trop grosse ! », « Tu n’es pas assez féminine », les mêmes critiques et moqueries que celles que je subissais de la part de ma mère se sont dressées contre moi au collège, cela s’ajoutant à toutes les petits soucis de l’adolescence. Cela a été une période particulièrement difficile, car pour moi, si tout le monde pensait la même chose de moi, c’est que cela devait être vrai. Je n’étais jamais assez bien, je n’étais juste pas assez. Je pense maintenant que je n’étais juste pas assez aimée pour me sentir à ma place, que ce soit en cours, avec mes amies ou dans ma famille. J’ai commencé à avoir des idées noires, le poids du quotidien était trop dur à porter.
Mais encore une fois, au lieu de voir mes appels à l’aide, de m’accorder ne serait-ce qu’un peu d’intérêt, ma mère me balançait des « Tu es déprimée juste pour ça ? Tu devrais plutôt leur répondre », « Si on se moque de toi, tu devrais peut-être changer », « Tu n’es pas assez forte » et surtout « Tu cherches juste à attirer l’attention sur toi ». Comme si j’en avais besoin ! Moi qui aurais tout fait pour disparaître, pour que l’on ne me voie même pas…
J’ouvre un peu plus les yeux à chaque fois que je m’ouvre sur le sujet de mes parents toxiques. Aujourd’hui, lorsque je parle d’eux, c’est par leurs prénoms. Si j’écris « ma mère » ou « mon père » dans ce témoignage, c’est uniquement pour garder un peu l’anonymat, même si j’ai déjà l’impression de donner beaucoup (trop!) d’informations qui disent « c’est évident, c’est moi ! ». Et les appeler mon père et ma mère, aujourd’hui, cela sonne tellement faux. Cela ne colle pas.
Si aujourd’hui j’ai plus de facilité à en parler, c’est que j’ai su m’ouvrir au bon moment avec les bonnes personnes, d’abord avec mon mari, qui m’a aidée à comprendre que je n’étais en rien responsable de ce que j’avais vécu, et ensuite avec des amis de confiance, qui ont eu la patience incroyable un soir, de m’écouter et d’en parler. Cela m’a pris des années, mais c’est d’en parler qui m’a vraiment le plus aidée.
Je ne peux pas dire que mon parcours soit terminé, il y a du chemin à faire. Je manque toujours de confiance en moi, de moins en moins, mais cela fait encore partie de moi. Je n’oublierai jamais cette porte d’appartement fermée sur moi il y a plus de 20 ans, ni la manière à laquelle ma mère a voulu vendre ma sœur à mon copain il y a quelques années, parce que ça vaut tellement pas le coup d’être avec moi et qu’elle est tellement plus belle que moi, avec ses yeux bleus. Je n’oublierai jamais rien. Mais j’avance, je sors la tête de l’eau. Je ne pense pas être la même personne qu’il y a cinq ans, mais je dois vivre avec celle que j’étais et tout ce qu’elle a vécu. Je ne peux pas être assez reconnaissante d’avoir été laissée chez ma grand-mère chaque été pendant que mes parents partaient en vacances « en famille » avec mes frères et sœurs, car c’est sans doute une des choses qui m’ont aidée à tenir, l’amour que me portait ma grand-mère, et qu’elle m’a porté tout au long de ma vie. Même si mon cerveau s’était mis en mode survie en ignorant une bonne partie de ce qui m’arrivait, maintenant que les souvenirs reviennent et que je me permets d’y penser, je vois le rôle essentiel qu’elle a joué dans ma vie.
Je n’ai pas de conseil pour ceux qui endurent ça au quotidien en étant mineurs. J’y ai pensé pendant des années, je ne sais toujours pas ce que j’aurais pu faire, et je comprends tous ceux qui ont vu que quelque chose clochait et qui ne se sont pas interposés pour séparer une enfant de sa famille. Mais si vous êtes majeurs, la meilleure solution reste encore la distance. Ne plus voir les personnes toxiques autour de vous aussi souvent, s’en éloigner, prendre une bouffée d’air, y penser, en parler. Peut-être même, comme moi, ne plus jamais les voir, car c’est depuis que j’ai pris cette décision que je me sens vraiment vivre. «
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